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Il y a quelques mois, le groupe Les Collectives, en lien avec le collectif Solidaires d’Argentine, organisait une rencontre avec Mélanie Vogel, sénatrice des Français.es de l’étranger, sur le thème de l’accès à l’avortement. Mélanie Vogel est très engagée sur ces sujets, en particulier sur la constitutionnalisation du droit à l’IVG et l’accès à ce droit pour les personnes françaises résidant à l’étranger.

Voici quelques questions auxquelles elle a répondu sur son travail concernant ces thématiques.

Quels sont les enjeux de l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution ?

Dans de très nombreux pays du monde, nous observons des reculs du droit à l’avortement (aux États-Unis, en Pologne, en Hongrie…), attaqué par des forces réactionnaires qui malheureusement, progressent à travers le monde. 

La France n’est pas, comme aucun pays du monde d’ailleurs, immunisée face à ces attaques. Mais nous avons la chance d’avoir aujourd’hui une majorité politique pour construire cette grande avancée. C’est donc aujourd’hui, avant qu’il ne soit trop tard, que nous avons la responsabilité de protéger ce droit.

En effet, le droit à l’avortement n’est aujourd’hui garanti que par la loi. Et ce qu’une loi fait, une autre peut facilement le défaire.

Inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution offrirait une protection supérieure en permettant tout simplement que toute loi visant à attaquer le droit à l’avortement soit censurée par le Conseil constitutionnel.

Quel est l’engagement des élu·es des Français·es de l’étranger sur ces questions ?

En octobre dernier, les conseiller·es de l’Assemblée des Français·es de l’étranger ont adopté à une très large majorité une motion pour soutenir l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution. Ce message a été entendu par beaucoup de sénatrices et sénateurs des Français·es de l’étranger qui ont fait le choix de soutenir la proposition de loi présentée au Sénat le 1er février[1].

De très nombreux élu·es sont mobilisé·es parce que les Français·es de l’Étranger et notamment celles et ceux qui vivent dans des pays où le droit à l’avortement n’existe pas ou bien où il est attaqué sont pleinement conscient·es du fait que ce droit fondamental est précieux et vital et reste une conquête fragile.

Si cela venait à être mis en place, qu’est-ce que cela représenterait pour les Français·es de l’étranger ?

En devenant le premier pays au monde à inscrire la protection du droit à l’IVG dans sa Constitution, la France ne ferait pas que mieux protéger ce droit en France. Notre pays a la capacité de parler au monde et d’envoyer un message clair : il s’agit d’un droit fondamental qui doit être reconnu comme tel partout. Cela donnerait un souffle extraordinaire aux mouvements féministes qui, partout, se battent pour obtenir ce droit ou pour empêcher des reculs. C’est donc une opportunité unique pour les Français·es de l’étranger de voir ce droit progresser dans leur pays de résidence.

Par ailleurs, selon la formulation retenue, cette inscription permettrait d’ancrer une responsabilité de la France de garantir l’effectif accès à ce droit, ce qui pourrait servir de fondement à la mise en place de législations pour garantir le droit à l’IVG pour les Français·es hors de France qui résident dans des pays où le droit à l’IVG n’est pas garanti. C’est le sens d’une proposition de loi que je porte pour améliorer l’accès à l’IVG à l’étranger ou encore de l’amendement que j’ai pu faire adopter sur la création d’un fond pour couvrir les frais de rapatriement des Françaises ayant besoin de venir en France pour pouvoir avorter.

Vous vous êtes en effet mobilisée pour l’accompagnement des Françaises de l’étranger qui souhaitent revenir en France pour avoir recours à l’IVG. Avez-vous eu des retours de femmes qui ont été dans cette situation ?

Plusieurs conseiller·es des Français·es de l’étranger ou agent.es consulaires m’ont fait part de situations rencontrées par des femmes les ayant sollicités à ce sujet. L’accompagnement de ces femmes s’est souvent avéré complexe à mettre en place.

C’est en partant de ce constat que nous avons estimé que des politiques publiques devaient être mises en place pour encadrer et faciliter ces rapatriements.

À quoi ressemblera cet accompagnement concrètement, lorsqu’il sera mis en place ?

Lors de l’examen du budget 2023, nous avons donc acté la création d’un fonds destiné aux rapatriements d’urgence pour les interruptions volontaires de grossesse abondé à hauteur de 500 000 euros.

Chaque personne résidant à l’étranger et nécessitant un rapatriement de ce type doit donc être en mesure de se présenter auprès du consulat dans son pays de résidence pour solliciter l’usage de ce fonds.

Il appartient désormais à l’administration de mettre en place les moyens pratiques et concrets d’accès à ce dispositif : procédure administrative simple, communication auprès des Français·es de l’étranger, formation des agent·es consulaires.

Actuellement quels procédés sont mis en place pour les Françaises de l’étranger qui ont besoin d’avoir recours à l’IVG ?

Aujourd’hui, les situations sont généralement gérées au cas par cas. La mise en place d’un fonds permettant les rapatriements d’urgence est une première étape pour généraliser et faciliter l’accès à l’IVG pour les Françaises de l’étranger, mais beaucoup reste à faire. Nous devons faire en sorte de permettre l’accès simple et direct à l’avortement pour les Françaises de l’étranger à travers la délivrance de pilules abortives par exemple. 

En attendant l’évolution et l’amélioration des dispositifs existants, j’ai réalisé un guide d’accès à l’IVG qui permet de trouver les ressources nécessaires pour le réaliser dans le cadre légal existant.

[1] ( 7 sénateurs et sénatrices ont voté pour, 1 n’a pas pris part au vote et 4 ont voté contre)